feu_50   Depuis que l’homme a maîtrisé le feu, rien n’est plus important que l’énergie.

En France,  aucun candidat, aucun parti, si ce n’est le parti des Verts, ne place l’écologie en tête de sa réflexion politique, ne l’utilise comme une nouvelle grille de lecture du monde. Bien sûr, la plupart des candidats a signé des deux mains les quelques recettes minimalistes de Nicolas Hulot : dans les programmes des uns et des autres, c’est une valeur ajoutée ; mais ce n’est pas cette concession à l’air du temps qui fait une politique, d’autant que le bruit fait autour de ce pacte écologique s’est finalement noyé dans le déferlement médiatique qui accompagne la campagne électorale. Devant notre terre qui meurt, notre espèce qui elle-même est menacée, aucun candidat, aucun parti, sauf celui des Verts, n’est capable d’une vision écologique au travers d’une remise en question totale et profonde de l’idéologie dominante : celle de l’économie toute puissante, de la loi des multinationales (pourtant quel système de domination est moins démocratique que celui de ces grandes puissances économiques opaques, non élues ?) Ceux-là même qui parlent de « croissance » de « développement » affirment, la main sur le cœur, leur dévouement à « l’environnement » : ils repeignent leurs discours en vert, ils posent quelques pots de fleurs sur l’estrade de leurs battages médiatiques, et… ils ont une foi aveugle dans le « progrès » et dans la « technologie » qui règleront tous nos problèmes : pas une seconde ils ne remettent en question l’idéologie économiste qui régente notre planète.

Mercredi 21 mars 2007, le groupe des Verts Val d’Yerres – Val de Seine a organisé à Yerres une soirée débat sur le thème de l’énergie avec Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement, député de Paris, soirée présentée par Ghyslaine Degrave, candidate des Verts pour les élections législatives dans la 8ème circonscription.

Une soirée avec un orateur exceptionnel, vulgarisateur, pédagogue, proche de son public, utilisant l’humour pour mieux faire passer un discours très sombre et alarmiste. Yves Cochet nous prédit des lendemains qui pleurent… sauf à appliquer dès maintenant et de façon très volontaire des recettes de vie qui peuvent tenir en un mot : sobriété.

Ceux qui ne le connaissaient pas ont sans doute été surpris qu’un ancien ministre puisse s’exprimer de façon aussi informelle, aussi conviviale, avec autant de passion et de conviction. Je n’ai en tous cas pas vu passer ces trois heures pendant lesquelles Yves Cochet a développé son analyse d’une situation mondiale qui est en train d’évoluer rapidement sous l’action de trois principaux facteurs :

1- La « déplétion » pétrolière, tout d’abord, ce qui signifie la raréfaction du pétrole abondant et bon marché ; elle devrait survenir après le « pic de Hubbert ». Le pic de Hubbert, c’est le moment où la courbe montante traduisant l’augmentation continue de l’exploitation des ressources pétrolières atteint son plafond. Cette courbe alors s’inverse et amorce sa descente. Yves Cochet, sur la base de cette théorie de Hubbert, situe cette inversion en 2009 (+/- 3 ans).

2- Un raz-de-marée économique, ensuite,  l’essentiel de nos produits finis étant basé sur des technologies évoluées issues du pétrole (habitat, médicaments, vêtements, plastiques…) et l’essentiel de nos ressources énergétiques étant lié au pétrole. A ce propos, Yves Cochet a souligné la contradiction entre la déplétion annoncée du pétrole, première source de nos modes de consommation, et la demande qui s’élève en flèche du fait de l’entrée dans une ère de consommation, calquée sur le modèle occidental, des grands pays dits, pour reprendre le jargon économique en vigueur, « émergents » (Chine et Inde notamment) : il est matériellement impossible que les 6 milliards et demi d’habitants qui vivent actuellement sur la terre (nombre qui est en augmentation) puissent atteindre le style de vie que mène la minorité dont la population française, avec toutes ses inégalités, fait partie. Il est impossible, par exemple, que l’énergie et les ressources disponibles sur notre planète puissent être suffisantes pour permettre à toute la population chinoise d’acquérir un véhicule automobile selon un ratio identique à celui constaté en France (plus de 30 millions de véhicules pour 62 millions d’habitants). Et pourtant, c’est le but visé par les élites et les organismes qui gèrent les échanges mondiaux, c’est le but visé, dans des termes de compétition, de suprématie, de guerre économique, par tous ces pays qui n’ont comme horizon que le mirage d’une « croissance » économique infinie : on continue à ne penser qu’en terme de « croissance », de « développement » (encore un terme issu du jargon économique), et l’on est incapable de « penser » d’autres modèles qui ne soit pas basés sur les seuls « produit intérieur brut » ou autres indicateurs économiques qui font fi de notre situation écologique, de notions aussi fondamentales que la solidarité ou le bien-être.

3- Un choc géostratégique enfin : l’essentiel des ressources fossiles se situe dans des secteurs extrêmement instables (autour de la mer Caspienne, principalement, au Moyen-Orient, en Afrique, également) caractérisés par des systèmes de gouvernement non démocratiques et des risques élevés de conflits. L’intervention américaine en Irak a été évidemment dictée par la volonté, pour les Etats-Unis, d’assurer leur sécurité en pétrole de bonne qualité et facile d’accès, donc bon marché. Le soutien de la Chine au gouvernement dictatorial et sanguinaire de Karthoum, malgré les centaines de milliers de morts au Soudan, n’a d’autre objectif que de s’assurer un approvisionnement en pétrole. Les exemples de ce type abondent.

Ces trois facteurs s’intègrent dans un cadre général de dégradation écologique majeure : l’énumération des symptômes (en rapport avec des causes d’origine humaine) est, hélas, presque interminable : bouleversement climatique, appauvrissement de la biodiversité, pollutions généralisées des sols, des eaux, de l’air, apparition et multiplication de nouvelles maladies… Cette catastrophe écologique annoncée, qui, conjuguée aux facteurs énumérés ci-dessus, devrait nous conduire à modifier sans attendre notre façon de vivre et notre rapport au monde et aux autres, n’est pas au cœur de la réflexion politique en France, ni dans le monde… sauf chez les Verts.

Yves Cochet en a appelé à une remise en question de notre façon de vivre, ainsi que de notre façon de penser. « Sobriété », tel est le mot qu’il a répété devant son auditoire. Sobriété, mise en cause de notre style de vie, qui, de toutes façons, va être bouleversé par l’enchérissement annoncé des ressources fossiles. Au delà de notre style de vie, c’est le modèle économique hégémonique qu’Yves Cochet a mis en question. Ce modèle n’est pas viable ; or, il guide l’action de la majorité des pays du globe, tous loin des standards européens et dont l’objectif est d’atteindre ces standards alors que c’est matériellement impossible, compte tenu de la raréfaction des ressources, de leur enchérissement, et des catastrophes écologiques qui s’annoncent.    

        Retour Accueil                                         Créé le 22/03/2007          mis à jour le 29/03/2007